LE COL D’ARES HISTORIQUE

Camí de la retirada – Coll d’Ares
Une histoire commune

Perché à plus de 1500 mètres d’altitude à cheval sur la frontière, chargé d’histoire, le Coll d’Ares occupe une place privilégiée dans la mémoire des Pratéens. Maguy Planell, fondatrice de l’association culturelle catalane « Prats endavant » , et Joseph Dunyach, président du Club de randonnées « Delit Tenim », après avoir évoqué l’empreinte laissée par ce haut lieu dans l’esprit de poètes et écrivains célèbres, font une place de choix à l’événement marquant de ce site : le passage au mois de février 1939 d’une centaine de milliers de Républicains espagnols, l’inauguration officielle d’une stèle en leur mémoire, la redécouverte, la restauration et la signalisation du « Chemin de l’Exil» reliant le col à la cité de Prats de Molló, son succès auprès des montagnards, et sa fréquentation régulière par des groupes de randonneurs de Catalogne Sud, à titre d’hommage et en souvenir de cette douloureuse période de notre histoire commune.

A més d’uns 1500 metres d’altitud, històric punt de passatge fronterer, el Coll d’Ares ocupa un espai preferèncial en la memòria de la gent de Prats. Margarida Planell, fundadora de l’associació cultural « Prats Endavant » i Joseph Dunyach, president del club excursionista « Delit Tenim », esmenten aquí els records d’aquest lloc tan distingit en la ment de famosos poetes i escriptors. Però sobretot ens fan memòria de l’esdeveniment més destacat d’aquest indret : el passatge al mes de febrer del 1939 d’un centenar de milers de Republicans. Ens expliquen també la inauguració d’un monòlit per fer memòria, el restabliment i la senyalitzaciò d’aquest « Camí de l’Exili » des de Coll d’Ares fins a Prats de Molló, avui molt freqüentat per excursionistes i grups d’ arreu de Catalunya actuant a tall d’homenatge i record d’aquest període dolorós de la nostra història comuna.

Le Coll d’Ares, passage mythique, chemin de travail, de commerce, de transhumance, de pélerinage, de contrebande, a connu de tous temps des migrations, des immigrations. C’est le passage obligé des gens des Garrotxes ou du Vallespir pour rejoindre la Vall de Camprodon et le Ripollès, avec à proximité, la présence sécurisante d’un hospitalet et de la chapelle dédiée à Santa Maria, puis, plus tard, à Santa Margarida del Coll d’Ares .
C’est en passant au Coll d’Ares que deux de nos plus célèbres écrivains ont connu leurs émois d’excursionnistes et d’amoureux de notre montagne.

C’est par ce col qu’arriva Mossèn Cinto, Jacint Verdaguer, lors de son premier voyage en Catalogne Nord qui nous valut son poème épique Canigó, dont les Cants IV et VIII dépeignent nos cimes :

Més enllà de Coll d’Ares i Font de Tec
Roca Colom blanqueja com una neu ;
(La Fossa del Gegant, Cant VIII)
Des del Pala u alabastrí davallen
del Pla Guillem a les Collades Verdes
i de Rojà les àrides esquerdes
Que el granat enriqueix fugen volant.
(Lo Pirineu, Cant IV)

Ici, aussi, Carles Bosch de la Trinxeria, dans ses Notes d’excursions i apuntacions sobre nostra frontera pirenàïca catalana, de Puigmal a Cap de Creus, parlant du passage au Coll d’Ares, écrit : És un dels colls més freqüentats i l’excursionista no té necesitat de demanar si ha entrat a França : bé prou ho coneix per lo bon camí de ferradura que se li presenta al trepitjar la frontera…

Plus tard, l’abbé Gibrat le citera dans ses excursions. Col qui devait être le point de départ de la reconquête du pouvoir contre la dictature du général Primo de Rivera, avec les préparatifs et la tentative de Francesc Macià connus comme étant els fets de Prats de Molló. Il en est de même dans les divers passages des essais d’insurrection active de Quico Sabaté.
Mais, aujourd’hui, c’est un moment plus grave et plus triste de notre histoire qui nous intéresse. Histoire relatée minutieusement par Thomas Faitg dans le registre des délibérations de la municipalité de Prats de Molló, conduite par un maire admirable, Joseph Noëll-Floquet, qui dut et sut faire face à une véritable marée humaine qui, entre janvier et mars 1939, fuyant les affres du Franquisme, déferla sur le village depuis le Coll d’Ares. Sur un total de 550000 républicains réfugiés, on estime que 80 à 100000 seraient passés par le Coll d’Ares. Officiellement, le drapeau franquiste fut planté au col le 10 février 1939, mais la résistance de la 60e division républicaine au-dessus de Prats fit que la fin du passage n’eut lieu que le 13 février.

Soixante-dix ans plus tard, grâce à la ténacité de l’association Prats Endavant, sa réalisation a été rendue possible : le passage et le chemin de l’exode sont, aujourd’hui, toujours vivants. El camí de l’exili est devenu, à présent le Chemin de notre Mémoire.

Le 12 octobre 2002, a été posée une stèle commémorative, inaugurée par le Président du Conseil Général, Christian Bourquin, actuel Président de la Région, en présence de Bernard Remédi, Maire et Conseiller Général, de la marraine Teresa Rebull, de Marguerite Planell, Présidente de l’association Prats Endavant, de Jean Monturiol et Jean Claude Dunyach , installateurs de la stèle, de Ramon Gual, auteur d’un remarquable discours, de Ramon Sala, et d’un nombreux public composé en majorité de républicains et d’anciens réfugiés.

Cinq ans plus tard, l’association Prats Endavant décide, grâce à une action financée par le Pays Méditérranée, de réhabiliter le chemin emprunté par les exilés, dans le cadre de son plan « Les chemins de la mémoire ». L’itinéraire actuel dévie un peu du tracé de l’ancien passage pour des raisons de logistique et de coût. Ce chemin est d’une relative facilité, long de 9 kms 500, avec un dénivelé de 860 mètres négatif du col à Prats. Il fait une légère boucle pour aller à l’ancienne bergerie qui servit de refuge temporaire à la famille Gracia, connue aujourd’hui comme étant le Cortal d’Amadeo. Sa réalisation a été rendue possible par un financement composé d’un budget subventionné à 80% et autofinancé, en partie par souscription, à hauteur de 20%.

Après la réalisation de ce projet, Prats Endavant s’est rapprochée de l’association de randonnée Delit Tenim, pour obtenir le classement et l’homologation du sentier. C’est chose faite aujourd’hui. Le sentier est actuellement inscrit au P.D.I.P.R. (Plan Départemental Itinéraires Petites Randonnées) et homologué par la Fédération Française de Randonnées, ce qui assure sa pérennité.

Lors des 70 ans de la Retirada, le camí a connu un fort pic de fréquentation : Delit Tenim ayant fait à cette occasion plus de trente accompagnements. Ce sont surtout les clubs de la Catalogne du Sud et, en particulier, el Col.legi Puig i Cadafalch de Mataró ou le collège Joseph Vallot de Lodève qui, étudiant la guerre d’Espagne, l’avaient inscrit dans leur programme d’études. Chaque année, le club Cocos de Cornellà de Llobregat, organise une randonnée d’hommage et de remerciements à la personne et à l’action de Thomas Coll. Ce Pratéen qui avait su tendre la main à la famille Gracia et en particulier au jeune Amadeo. Depuis deux ans, à la pose d’un bouquet dans notre cimetière, s’ajoutent les notes, nostalgiques et combien poignantes, de Gérard Aguilar, jeune violoniste de talent, jouant El Cant dels Ocells del Mestre Pau Casals.

Voilà l’histoire d’un chemin qui a toujours été marqué par l’empreinte de générations qui ont c2-p53-v1-cami-de-la-retirada-coll-d-areseu à l’emprunter pour rejoindre notre petite capitale du Haut-Vallespir, berceau d’une catalanité fortement affirmée.

Ô ! Chemin de l’exode! Camí de la Retirada!, nous avons voulu faire connaître un peu de ton histoire, fouiller dans ta mémoire, et nous sommes persuadés, qu’au fond de celle-ci, tu garderas pudiquement, à jamais, les peines, les malheurs, les faux espoirs. Osons peut-être imaginer quelques joies de ces familles, entières ou séparées, qui ont tout abandonné dans l’espoir de trouver, après le passage du Coll d’Ares et la descente le long du Camí, un chemin de paix et de sérénité.

Mais là commence une autre histoire, là, où, comme l’écrit Shakespeare, dans le Roi Lear :

La llibertat viu lluny d’aquí i això és l’exili.

Auteur : Marguerite PLANELL – Joseph DUNYACH.

( article extrait du N° 2 de la Revue Costabona, éditée en 2013 par l’association de sauvegarde et de valorisation du patrimoine de Prats de Mollo, Velles Pedres i Arrels »)