L’abbé Gibrat

A tout seigneur tout honneur, nous allons inaugurer cette rubrique par l’auteur le plus prolifique de Prats: L’Abbé Joseph GIBRAT.

C’est à Sant Llorenç de Cerdans que naquit le 2 avril 1866 Joseph Laurent Michel GIBRAT, fils de Laurent GIBRAT, cerclier et de Marie MAURETE. Le jeune Joseph GIBRAT effectue ses études à  l’école de Sant Llorenç de Cerdans avant de rejoindre le petit séminaire de Prada. Élève brillant et appliqué Joseph ne tarda pas à être intégré au grand séminaire à Perpinyà.

Les qualités humaines, la foi, mais également le travail fourni par le jeune séminariste incitèrent le Père Supérieur TISSEYRE à le nommer professeur au petit séminaire de Prada. Le 15 janvier 1889 Joseph GIBRAT est ordonné Prêtre et nommé au poste de vicaire à Banyuls de la Marenda.

Après une cure de trois ans il rejoignit la paroisse Sant Jaume de Perpinyà en 1892 pour en être le vicaire.

C’est dans cette paroisse que naquît la vocation d’historien du jeune prêtre. Découvrant avec joie les vieilles archives de sa paroisse, il se plongea dans la lecture de ces vieux documents, mettant ainsi en pratique les éléments qui lui furent enseignés par ses professeurs du Séminaire. Dès 1894, il publia ses premiers travaux historiques sur la paroisse Sant Jaume pendant la Révolution française. Ce fut pour lui, l’occasion de rencontrer Joseph PAYRET imprimeur à Perpinyà, avec qui il entretiendra une relation durable et dont il deviendra un des collaborateurs de son Journal Commercial Illustré des Pyrénées Orientales de 1897 à 1910.

Dès 1895, l’abbé Joseph GIBRAT fut nommé curé de Fontpedrosa où il dut s’adapter à la rudesse de la vie et du climat du haut Conflent. Mais en bon Vallespirien et avec une maitrise naturelle de la langue catalane l’adaptation sociale fut des plus rapides. Tout en exerçant ses fonctions ecclésiastiques, l’abbé GIBRAT qui avait une soif de connaissance immense s’intéressa à l’histoire de ce nouveau pays d’accueil, en épluchant toutes les archives à sa disposition mais également en parcourant à pied tous les sites archéologiques ou historiques des alentours, jusqu’à se rendre à l’ermitage de Núria.

Durant son ministère, plusieurs monographies furent publiées, mais ce fut également en 1897 le point de départ de sa collaboration avec le nouveau journal de Joseph PAYRET qui durera jusqu’en 1910.

En 1901 l’évêque lui confia la paroisse de Passà puis en 1911 celle de Sant Feliu d’Avall.

Durant cette décennie l’abbé GIBRAT dut, durant la guerre, desservir plusieurs paroisses mais continua ses nombreuses publications monographiques locales et collabora à la semaine religieuse du diocèse de Perpinyà ainsi qu’au journal l’Alliance de Ceret de son ami ROQUE, imprimeur.

En 1917, l’Abbé Joseph GIBRAT obtint de Monseigneur de CARSALADE DU PONT le doyenné de Prats de Molló. C’est avec une solide réputation que le nouveau Curé doyen fut accueilli chaleureusement par l’ensemble de la population.

Son temps d’adaptation dans la capitale du haut Vallespir ne fut point long, c’était en quelque sorte un retour aux sources. L’abbé GIBRAT se mit aussitôt au travail, visitant son doyenné de la Presta à Sant Salvador, de Sant Guillem de Combret au Tec, à Serrallonga, à La Menera sans oublier Nostra Senyora del Coral où il présida l’assemblée des copropriétaires. Fidèle à ses convictions, ses occupations sacerdotales achevées, l’abbé GIBRAT s’adonnait au dépouillement des archives. Pour son bonheur, celles de Prats de Molló étaient particulièrement riches et abondantes. L’abbé GIBRAT était devenu, avec le temps, un véritable historien, du Moyen Âge à la période révolutionnaire, affichant une aisance déconcertante quelle que soit la période traitée. Ses publications parurent pratiquement au rythme d’une par an. La seule ville de Prats lui doit plus d’une quinzaine d’ouvrages historiques ou d’éruditions. Il s’essaya même aux romans, historiques le plus souvent, avec un vrai talent de littérateur. Dès 1920, il fit paraître un bulletin paroissial dans lequel il écrivit chaque mois une page historique sur Prats et sa région. Dans un tout autre registre, l’Abbé GIBRAT eut la volonté de fonder une école presbytérale pour l’éducation religieuse des jeunes garçons de Prats.

De nombreux pratéens se sont vu prodiguer les cours de ce généreux et savant prélat à l’immeuble de la Ligue. Monsieur l’abbé GIBRAT fut également un fervent défenseur de la langue catalane. Il publia de nombreux ouvrages en catalan dont plusieurs recueils de poésies. Certaines de ces poésies qui furent mise en musique par l’archiprêtre de Ceret et par l’abbé VERGES curé des Angles, sont devenues des chants populaires spécifiques au vieil ermitage: la Despedida et la Colometa del Coral.

Malheureusement, le 11 décembre 1926 l’abbé Joseph GIBRAT devait succomber à une crise d’urémie à la clinique Pasteur de Perpinyà où il était descendu quelques jours auparavant transporté en automobile. A Prats de Molló, la population apprit avec une véritable stupeur la mort du chanoine, les cloches de toutes les paroisses du doyenné sonnèrent le glas qui se propageait comme un voile de tristesse et de deuil.

Les obsèques furent particulièrement émouvantes. M. Jules WITTWER DE FROUTIGUEN, dans un article publié dans l’éclair de Montpellier en date du 17 décembre 1926 en décrit le déroulement: « Selon un vieil usage local la dépouille de l’Abbé GIBRAT fut portée processionnellement sur les épaules d’ouvriers, de modestes artisans, qui se disputaient à l’envi l’honneur du saint fardeau. Au chant de « l’in exitu israel » l’interminable cortège parcourut toutes les principales artères de la ville en commençant par la ville haute. »

« En l’église de Prats de Molló, vingt prêtres rehaussaient de leur présence l’inoubliable cérémonie. La marche fut ouverte par la belle société de secours mutuels de Prats de Molló et sa bannière. Toutes les autorités locales étaient présentes : Monsieur le Maire, ses adjoints, le Conseil Municipal, l’armée, la gendarmerie, les douanes, virent ensuite toutes les pieuses associations  paroissiales, les élèves de l’école presbytérale, la marguillerie, les membres de l’association Nostra Senyora del Coral. Au cimetière le Président de la Société de Secours Mutuels remercia le défunt pour sa profonde charité ».

Le lendemain le corps de l’Abbé Joseph GIBRAT fut inhumé au cimetière du Tec où résidait sa sœur Mélanie.

 

                                                                                                          Auteur :  Sergi Roca

 

-(l’article complet est disponible dans le numéro 1 de la revue Costabona p 31)

(-la liste des ouvrages de l’abbé Gibrat sur le Vallespir se  trouve sur le présente Site à la rubrique  » Sources Documentaires/ écrites/ bibliographie)