La Tour du Mir

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La Torre Del Mir ou Torre Del Castellar

LA TORRE DEL MIR: D’ HIER A AUJOURD’HUI

Comme aurait pu le dire Napoléon : « Du haut de cette Tour, VII siècles vous contemplent ».

Voilà plus de 700 ans que la Torre del Mir contemple Prats de Molló et toute la haute vallée du Tec, depuis son promontoire à 1540 mètres d’altitude.
Comme un ange gardien, elle veille sur la ville et aujourd’hui son rôle est plus « Hôtesse d’accueil» que « Tour de Garde ». Par sa présence rassurante, elle est un repère quotidien pour tous les Pratéens qui s’en servent d’observatoire météorologique. On peut même dire qu’elle est le témoin imperturbable de l’évolution de la ville au cours du temps. Sa restauration souhaitée depuis 20 ans en est la preuve irréfutable.

La Torre del Mir, est, parmi les tours restaurées du département, celle qui de par sa position, représente le mieux le rôle qu’ont pu jouer ces Tours de guet dites tours à Signaux.

Le Rosselló possède plusieurs exemples de ces tours destinées aux observations et aux signaux qui en résultent. Elles occupent généralement des positions d’accès difficile, très élevées et parfois très éloignées des points qu’elles surveillent. Elles font partie d’un maillage serré de tours à signaux, qui leur permettait de communiquer entre elles. La Torre del Mir était en relation directe avec les Torres de Cabrenys, la Guàrdia à Prats (désormais encastrée au centre du Fort la Garde, construit par Vauban en 1680) et la Torre de Cos.

Elle servait de relais entre la Guardia à Prats et les tours de Cabrenys qui communiquaient avec celle de Batera (tour principale) et au-delà avec les autres tours du département telles que: Montalbà, Cortsaví, Montner, Perabona, Massana, Madeloc, Querroig, el Far, Goa, etc.

HISTORIQUE: LES RAISONS DE SA CONSTRUCTION

Suite au traité de Corbeil (1258) entre le Roi Saint Louis et le Comte-Roi de Catalunya-Aragó Jaume Ier el Conqueridor, le Rosselló demeurera Catalan, prévoyant de fixer au Pas deSalses la limite entre les deux pays. Jaume el Conqueridor régla sa succession le 21 Aout 1262, et partagea ses états entre ses deux fils, Pere III d’Aragó « l’ainé », et son cadet Jaume Ier de Mallorca qui reçut entre autres les Comtés de Rosselló et de Cerdanya, le Conflent et le Vallespir. Dés le lendemain de la mort de Jaume el Conqueridor le 27 Juillet 1276, les deux frères entraient en guerre.

Après l’échec de la guerre menée jusqu’en 1285 contre son frère Pere III d’Aragó, Jaume Ier de Mallorca entreprit d’entourer de remparts la ville de Prats et de rendre plus sures les frontières de son royaume par la construction de Tours, dont la Torre del Mir.C’est donc au dernier quart du XIII° siècle et au début du XIVème que Prats devient réellement cité fortifiée et que la Tour fut construite (aucune date connue de début et fin de construction).

Elle est appelée Torre del Castellar dans un premier temps puis Torre del Mir en 1588 du nom de la ferme voisine en contre bas « le Mir » (nom de Barthélémy Mir, consul de Prats de Molló de 1387 à 1388 et propriétaire dudit mas).

Quand on observe la Tour sur son promontoire, on comprend mieux son rôle. Construite sur un piton rocheux à 1540 mètres d’altitude qui domine la ville de Prats de Molló (750 mètres), la vallée du Tec et du Canidell. Elle est entourée sur sa gauche, de chaînes de montagne plus hautes, le Costabona, les Esquerdes de Rotjà, le Pla Guillem, Set Homes. Elle a toute la plaine du Roussillon à ses pieds et sur sa droite, au sud, les monts de Catalunya, Baladres et le passage du Coll d’Ares.

CONSTRUCTION

C’est une Tour cylindrique, construite sur une chemise ou plateforme basse de 22 mètres de diamètre, bordée d’un muret de 1,20 mètre de haut, (avec des meurtrières ou archères à l’origine?) qui tombe sur un fossé assez grand à l’ouest et très abrupt cotés nord et est. La particularité de cette plateforme, qui sert de socle,c’est qu’elle est composée tout autour de son centre, de murs rayonnants (comme des rayons de roue de bicyclette) pour donner une meilleure assise à la tour bâtie en son milieu. L’appareil de maçonneries des murs se compose de pierres calcaires extraites sur place et taillées grossièrement à la manière de carreons (petites pierres de taille, « pavés »), disposés La Torre del Mir, horizontalement et hourdés à l’aide d’un mortier abondant. Les marches des escaliers intérieurs sont des monolithes de pierre calcaire provenant de la carrière (fossé ouest).

LA TOUR ELLE MEME 

Diamètre extérieur de la Tour :
11mètres70 au niveau inférieur de la plateforme basse (pied du tronc de cône)
10 mètre 30 dans la partie cylindrique haute.

Diamètres intérieur (partie habitable) :
5 mètres 10 « niveau 1 »
5 mètres 20 « niveau 2 »

Hauteur Extérieure :
12 mètres 10 au bas de la plateforme d’accès et le niveau supérieur arasé
10 mètres 40 pour la partie cylindrique

Épaisseur des maçonneries :
2 mètres75 dans la hauteur jusqu’au 1er niveau
2 mètres40 au 2ème niveau
La plateforme sommitale cylindrique :
10 mètres de diamètre (environ)
10 mètres 40 de hauteur (depuis la plate forme basse)

Les étages habitables voûtés communiquent par deux escaliers en colimaçon (un par étage) pratiqués dans l’épaisseur des murs et très étroits. Côté Est, on rentrait dans la Torre del Mir par une porte en hauteur à 1 mètre 50 de la plateforme basse, et surmontée d’une fenêtre ou grande meurtrière en vue directe sur Prats et les tours de Cabrenys. Elle se termine par une plateforme sommitale à plus de 10 mètres de hauteur.

MISSION ET MODE DE VIE

La Torre del Mir, magnifique point d’observation, servait comme toutes les autres tours, à faire des signaux au moyen de feux, pour indiquer un quelconque danger ou l’approche d’un ennemi. La personne chargée de communiquer s’appelait le faron ou faró et avait pour mission de prévenir les autres tours, par des fumées (fumades) le jour, ou par un grand feu la nuit (flamerade). Le feu était préparé, soit au pied de la Tour ou sur la plateforme haute, dans une cage en fer forgé appelée farons.

Il est précisé dans une ordonnance del Comte-Rei transcrite dans les registres royaux et adressée à ses gouverneurs et au Procureur Royal du Rosselló que « Pour chaque centaine d’hommes armés dont ils apprendront l’entrée sur le territoire ils feront un faro, si c’est la nuit, un fumi si c’est le jour ».

A partir de là, il faut remarquer l’absence d’organisation défensive, car la Tour ne peut abriter qu’un petit nombre de personnes, de 6 à 8 défenseurs. On peut aussi ajouter un ou deux serviteurs chargés de s’occuper des vivres « plus un chien réglementaire ».

En 1369, le Procureur Royal en tournée, a fait l’inventaire des armes et « fourniments » de certaines tours, notamment de la Torre del Mir et voilà ce qu’il accorde :

• six arbalètes à étrier
• six crocs
• deux caisses de flèches ou carreaux pour arbalètes
• six casques de fer ou haumes
• six cuirasses, six boucliers ou pavois

Les approvisionnements destinés à ce poste sont bien en harmonie avec le nombre de bouches à nourrir:

• Deux barils d’eau de deux charges (1200 litres), à raison de quatre litres par homme et par jour, (les deux barils en renfermaient pour 60 jours)
• Deux barils de demi-charge (260 litres) pour le vin, soit un quart de litre par homme et par jour pendant deux mois pour la Torre de Cos, voisine de celle du Mir.
• Un baril de deux charges (240 litres) pour le vinaigre
• Trois aymines de froment en farine
• Trois aymines de seigle en farine (l’aymine est une ancienne mesure du Rosselló appelée « ayminade », laquelle répond à 60 ares. Avec les 6 aymines de grains on pouvait produire 500Kg de pain. ce serait un peu plus de 1Kg par homme et par jour).

Du XIII° siècle au XVII° jusqu’au Traité des Pyrénées en 1659, elle a donc tenu son rôle en toute dignité.

Le Marquis de Vauban, architecte de Louis XIV, ordonne en 1680 de faire araser la Torre del Mir. L’ordre est adressé au gouverneur de la Ville de Prats, Lacaze, qui fournira les hommes pour effectuer la tâche. Ce sont donc les Pratéens redevables de journées de travail qui devront s’exécuter. C’est la plateforme haute qui est arasée et les coupoles voutées qui sont percées pour rendre la Tour inhabitable et inutilisable. La Tour, ainsi amputée, s’est dégradée au cours des siècles suivants, jusqu’à nos jours.

LA TOUR AUJOURD’HUI

C’est à partir de 1990, date de sa création que l’association de sauvegarde et valorisation du Patrimoine Velles Pedres i Arrels a entrepris de restaurer et réhabiliter la Tour. Depuis les années 1990 sous la Présidence de Roger Coromines l’association a commencé à entreprendre les démarches de classement de la Tour mais ce n’est qu’en décembre 2002 que l’inscription à l’inventaire supplémentaire des Bâtiments Historique fut acquise.En Juillet 2004 lors de la passation de pouvoir entre Roger Coromines et Georges Bantoure, le nouveau Conseil d’Administration de l’Association décida de donner la priorité de ses actions à la restauration de la Torre del Mir.

A partir de là, toutes les démarches administratives furent entreprises en parfaite collaboration avec la Municipalité et surtout avec le soutien inconditionnel de M.Bernard Remédi et ses adjoints de l’époque mais ce n’est qu’aux termes de multiples péripéties et négociations ardues, que les travaux ont pu commencer en 2007.

L’inauguration de la Tour le 30 juillet 2010 fut le sacre de 30 ans de labeur.

Auteur: Jordi BANTOURE.

( article extrait du N° 1 de la Revue Costabona, éditée en 2012 par l’association de sauvegarde et de valorisation du patrimoine de Prats de Mollo, Velles Pedres i Arrels »)