Revue Costabona n°5

Année de publication : 2016.
Nombre de pages : 80.
Prix de vente : 7€.

Points de vente à Prats de Mollo :
– Librairie Sant Jordi
– Librairie J.F.A. Presse (maison de la presse)
– Librairie Can Gironella

Points de vente à Perpignan :
– Librairie Catalane
– Librairie Torcatis
– Librairie Cajelice (ex-Chapitre)

 

Sommaire

  • Le Mot du Président, par Ch. Roque
  • La transhumància a Prats, segles XVII-XVIII, par R. Sala
  • El Galliner, una masia en el decurs dels segles, par J. Colomer
  • Les trois Marie de la Creu Negre, par A. Zysman-Restany
  • Les cloches de l’église paroissiale de Prats de Mollo, par C. Blanch
  • Le Méreau ou « Pellofa » de Prats de Mollo, par J.-C. Pruja
  • Leçon de Ste Julitte à un pâtre de St Sauveur, par G. Dalmau
  • Jean Ribes, des estives à l’écriture, par Ch. Roque
  • Prats de Mollo en 1679 d’après le mémoire de Vauban, par A. Ayats
  • L’Occupation à Prats de Mollo (1942-1944), par J.-F. Pompidor
  • Una capsa de canyes retrobades a Prats, par P. Jordà Manaut
  • El dia dels ossos, pour un recensement de la mémoire, par O. Lluis Gual
  • Le patrimoine culturel immatériel, un concept émergent, par Ch. Nau
  • Cosme Guiu, le Révérend Père Exupère de Prats de Mollo, par S. Roca
  • Le coin du Bibliophile, par S. Roca
  • « Joc? Joga! », el joc de pilota a Prats de Mollo, par G. Bantoure
  • Vie associative et actualités patrimoniales, par Ch. Roque

 

Couverture de la revue Costabona n°5
Couverture de Costabona n°5
Illustration : Plan de la ville de Prats de Mollo, extrait de l’Etat miltaire, ecclesiastique et politique du Roussillon, 1751 (ADPO 1J806).
Au premier coup d’oeil, on pourrait croire ce plan de 1751 passablement fantaisiste et le considérer comme une simple illustration de ce mémoire, donnant de Prats de Mollo une image très approximative. L’abondance et le choix des couleurs, le graphisme parfois un peu grossier, des sortes de grandes croix ou de grandes fleurs de couleurs différentes dessinées dans des zones de jardin ne semblent pas donner une image très réaliste de la ville et de son environnement immédiat. Pourtant, lorsqu’on le compare à un plan militaire de 1783, extrêmement précis car destiné au Ministère de la Guerre, on peut constater que cette illustration est un témoignage rigoureux de la réalité. Qu’il s’agisse du tracé des fortifications, de la localisation des limites du bâti (pâtés de maisons et autres édifices) intra ou extra-muros, de la distinction entre jardins et zones de prés ou de cultures, tout est fidèlement reproduit. Un examen minutieux permettrait de faire dire beaucoup à ce document, entre autres au sujet du lit du Tech, de ses dérivations et des ilôts qui le parsèment. Retenons simplement ici qu’il nous montre qu’en 1751 le souterrain entre le Fort Lagarde et la redoute (la Tour Carrée) a déjà été réalisé, comme les aménagements défensifs autour de l’église, désignés « réduit crénelé ».
S’il vaut surtout par sa façon originale de restituer l’aspect d’une ville au XVIIIème siècle, ce plan n’en reste pas moins un témoignage précieux, qui s’inspire indiscutablement de plans militaires plus conventionnels, dont les Archives de la Défense à Vincennes regorgent. Ce qui nous rappelle qu’une bonne partie de l’histoire urbaine de Prats de Mollo à travers les plans militaires reste à écrire.
Alain Ayats

 

Le Mot du Président

Pirineu, serra estimada…(1) Si au terme de cinq années d’édition, il fallait trouver à la présente revue de l’association Velles Pedres i Arrels, et à la presque cinquantaine d’articles publiés depuis, un point commun d’inspiration et d’ancrage, c’est cette touchante invocation qui pourrait sans doute le mieux le traduire.

Le nom que porte ce périodique, Costabona, n’est-il pas en effet celui de l’altier pic dominant Prats de Mollo, et l’un des derniers plus hauts sommets jalonnant cette imposante chaîne légendaire, avant que, à quelques dizaines de lieux seulement, elle ne plonge dans la Méditerranée, dont on peut même percevoir parfois le scintillement ? N’est-ce pas également dans ses flancs que prend sa source le Tech, qui commence à creuser ce long sillon aussi profond que fertile qu’est le Vallespir, dont, stratégiquement parlant, la ville de Prats est de surcroît « la porte et l’entrée » ? C’est en tout cas ce qu’affirme Vauban, dans son mémoire de 1679 sur les places catalanes du royaume, commenté ici même dans un extrait significatif.

Et c’est sans cesse à l’histoire de ces hauts espaces, à la vie quotidienne, à la culture et aux traditions de ses habitants que la revue, au fil de ses publications, s’est attachée, soucieuse d’en découvrir toujours d’autres aspects ou d’en rappeler la variété et les richesses.

Cette année, il est aisé de recenser les différents thèmes traités sous l’angle de l’étagement des lieux auxquels ils se réfèrent (comment s’en étonner dans un environnement aussi accidenté ?). Mais qu’ils évoquent les aspects les plus courants de la vie laborieuse, sociale ou familiale, ou bien les évènements festifs ou d’ordre religieux, ils s’imbriquent tous étroitement dans ce fond de haute vallée, des lointains « pasquiers » d’altitude, jusqu’aux étroites ruelles pentues de la cité millénaire, en passant par les veinats (ou hameaux) de moyenne montagne, alors très actifs et peuplés.

Ainsi c’est l’intense et prospère activité pastorale de montagne, aux alentours du Traité des Pyrénées, qui nous est dévoilée, véritable écosystème, avec les migrations saisonnières, internes ou transfrontalières, selon l’espèce animale (gros bétail ou bêtes à laine), ses fluctuations liées aux évènements politiques, économiques ou sanitaires, les différents régimes de pâturage et leur stricte réglementation, les abus et excès, les tensions et conflits entre consuls, agriculteurs et éleveurs.

Sans quitter le cadre agraire, mais plus en aval, sur la rive droite du Tech, nous est proposée la monographie, pleine d’enseignements, du veinat de Vall Fornès, et de l’une de ses masies, El Galliner. Se déroule ainsi sous nos yeux, jusqu’à nos jours, l’évolution de ses ressources propres, basées essentiellement sur la maîtrise de l’eau, les moulins, le bois, la chaux. Sont également relevés la nature des redevances, dimes et autres fermages, les régimes variés d’occupation des terres, ainsi que le nom et les attaches familiales des occupants successifs.

C’est ensuite du veinat de la Presta, en remontant le Tech, mais sur sa rive gauche, que nous découvrons la vaste masia de Can Ribes. Antique exploitation rurale, aménagée avec succès pour répondre à l’évolution économique du siècle dernier, elle a été aussi le berceau de Jean Ribes, un terrien de souche. Au soir de sa vie, il a publié le fruit de ses recherches -récapitulées à propos et illustrées ici même dans le « Coin du Bibliophile »- sur le Haut et Moyen Vallespir puis rédigé, à titre autobiographique et à l’intention d’un cercle limité de lecteurs, ses expériences et souvenirs de « montagnard vallespirien », d’un intérêt patrimonial indiscutable…

Il se trouve, par ailleurs, que dans l’un de ses ouvrages est mentionnée l’exploitation des mines de cuivre de la Presta, à laquelle répond comme en écho, la frappe au XVIIème siècle de la pièce dite « méreau » (ou pallofa), présentée dans ce nouveau numéro par notre numismate attitré, suite à ses investigations sur les monnaies utilisées dans les échanges commerciaux régionaux.

Dans un registre différent, la guerre de 1939-1945, rappelée dans les « mémoires » du même « Vallespirien », est cette fois ci relatée, avec précision et sous une autre perspective, au regard de l’Occupation du territoire de Prats de Mollo, des réseaux de la Résistance, à partir de documents rares, souvent privés, et de témoignages peu connus.

Quant au veinat de Sant Salvador, un évènement insolite nous est rapporté, qui se lit avec étonnement, du moins à notre époque, celui d’un sort jeté par la protectrice de cette petite paroisse, Santa Julita, sur un incrédule raillant publiquement le pouvoir, attribué à cette sainte, de donner du lait aux mères qui en manquaient. Encore ici, s’est déroulé une des « missions » du R.P. Exupère, natif de la cité, dont la vue peu connue, aussi pieuse que féconde, nous est par ailleurs décrite.

Plus bas encore, toujours dans le domaine religieux, c’est dans l’enceinte de la cité fortifiée que se trouve le cœur des traditions populaires. Sur l’un de ses remparts -qui non loin servaient aussi de fronton au jeu traditionnel de la « pilota » que nous remémore un de ses derniers pratiquants- étaient exposées les agrestes statues en bois, dites les « Trois Maries », appartenant à une vieille famille de la ville, et dont les péripéties, avant leur restauration et leur classement, nous sont ici contées. Dans ce même cadre nous est détaillé, dans une autre éclairante contribution, l’ensemble campanaire monumental de l’église de Prats et de son clocher, ses missions, son histoire, son répertoire codifié et son rôle dans la vie spirituelle ou quotidienne locale.

Et on le sait bien, c’est sur toute l’étendue du village que se déroulent les évènements festifs traditionnels, dont l’aspect musical est ici abordé par le biais des canyes, ou anches, des tibles et tenores, instruments si familiers à la Ciutat Pubilla qu’est Prats de Mollo, où la sardane longue a été dansée dès 1883, et quia compté plusieurs cobles et compositeurs. C’est enfin un autre volet des fêtes ancestrales, celui du Dia dels ossos, célébré en Haut-Vallespir, qui est ici évoqué, d’abord centré sur la demande, en cours auprès de l’UNESCO, d’une inscription au Patrimoine culturel immatériel mondial, avec ses enjeux, ses dérives possibles et leur antidote. C’est ensuite sous un autre angle que cette « Journée des ours » est reprise, celui de la participation active et spontanée à cette manifestation de l’entière population de la cité -villageois et « hommes ours »- dont, pour ces derniers, est tenté un recensement exhaustif au fil des ans.

Une nouvelle escapade à ne pas manquer sur les pentes étagées de cette haute vallée du Tech, si fortement typée…

Christian Roque

(1)« […] fins el cel aixeca el front, perqué tu, muntanya aimada, (ets) la mès bella d’aquest mon », extrait de Canço d’Amor i de Guerra, pièce lyrique créée à Barcelone il y aura bientôt un siècle, célébrant la gloire du Vallespir et du Canigou.