Revue Costabona n°6

Année de publication : 2017.
Nombre de pages : 88.
Prix de vente : 7€.

Points de vente à Prats de Mollo :
– Librairie Sant Jordi
– Librairie J.F.A. Presse (maison de la presse)
– Librairie Can Gironella

Points de vente à Perpignan :
– Librairie Catalane
– Librairie Torcatis
– Librairie Cajelice (ex-Chapitre)

 

SommairE

  • Le Mot du Président, par Ch. Roque
  • L’Aiguat du 16 octobre 1763, par A. Ayats
  • Paraires i pagesos, aperçu de la société pratéenne au XVIIIème siècle, par J. Colomer
  • El veinat de Vilaplana et la chapelle de Sant Marti, par F. Huberlant
  • El Monument de Prats, décor éphémère de la Semaine sainte, par G. Dalmau
  • Prats de Mollo et ses institutions sous l’Ancien Régime, par R. Sala
  • La reconstruction de l’église de Prats de Mollo (1648-1688), par A. Charrett-Dykes
  • La construction du pont Gaston Gérard (janvier 1938), par J.-C. Pruja
  • Camins i senderols a la vall de Prats de Mollo, par J. Dunyach
  • Vers une mise en mots de la mémoire des échanges commerciaux, par C. Nau et R. Alberny
  • Marcel et Émile Leguiel, mes grand-père et arrière-grand-père,  par H. Lhorte-Leguiel
  • Le coin du Bibliophile, par S. Roca
  • Vie associative et actualités patrimoniales, par Ch. Roque

 

Couverture de la revue Costabona n°6
Couverture de Costabona n°6
Illustration : Détail d’un cliché de la Font del Pont de la Calç, pris en 1912 (collection Serge Roca), présentant le blason de la ville de Prats de Mollo, sculpté dans un bloc de marbre, apposé au fronton de la Font del Pont de la Calç et daté de 1610.
La fontaine a disparu, emportée lors de l’Aiguat d’avril 1942.

 

Le Mot du Président

Sur son rapport au passé, notre société contemporaine est l’objet d’opinions partagées : pour certains observateurs, notre monde numérique est en train de compromettre la transmission de notre savoir historique et culturel, ce défaut de mémoire nous menaçant même, à brève échéance, d’obscurantisme; pour d’autres, c’est pourtant à un « retour en force » de l’Histoire, que l’on assiste, à titre de refuge, face à l’appréhension de la mondialisation, du multiculturalisme, et des dangers des progrès technologiques. Une raison de plus pour notre revue, et Velles Pedres i Arrels, de persévérer dans leur détermination à « tirer de l’oubli les richesses du passé de Prats de Mollo » et de « stimuler les travaux sur son patrimoine », comme le promettait un des premiers numéros de Costabona.

C’est encore cette fois-ci chose faite, et, cette année, notre publication s’ouvre sur la description saisissante d’un des premiers Aiguats connus, ce cataclysme dévastateur -surtout en vies humaines- qui s’est abattu en 1763 dans la haute vallée du Tech, préfiguration de ceux survenus aux débuts des années 1940 -et dont on n’a peut-être pas su tirer les leçons.

Mais ce dramatique préambule ne ternit en rien l’intérêt des contributions suivantes, notamment celle de la redécouverte, au hameau de Vilaplana, de l’une des églises de la paroisse de Prats de Mollo datant au moins du XIVème siècle, la charmante chapelle Sant Marti, devenue chapelle privée après maintes vicissitudes.

Ni par ailleurs celui de suivre de près, trois siècles plus tard, la reconstruction pendant 40 ans de l’église paroissiale Saintes-Juste-et-Ruffine. Ce projet ambitieux, mais à la hauteur des moyens et de l’importance de la cité comme de sa vallée, se justifiait alors par la nécessité d’accueillir un plus grand nombre de fidèles, et d’adhérer plus étroitement à l’esprit et aux recommandations du Concile de Trente. Il reflète aussi la détermination des pratéens d’aller jusqu’au bout de leur entreprise, malgré les difficultés techniques et financières surmontées grâce à la solidarité villageoise.

C’est aussi, toujours à cette époque des XVIIème et XVIIIème siècles si florissante pour Prats de Mollo, que nous est présentée successivement, par différents auteurs, une vue d’ensemble mais dans leurs volets respectifs, de l’essentiel des activités économiques et sociales, de la vie culturelle et spirituelle, et enfin de leur cadre institutionnel. Nous est ainsi offerte, d’abord une revue pleine d’enseignements, documentée et illustrée, des diverses professions de l’époque, se partageant principalement entre celles liées à l’industrie du drap (paraires) et celles reposant sur l’agriculture et l’élevage (pages), avec, gravitant autour, les diverses occupations qui leur étaient étroitement reliées (artisanales, marchandes, « de service », et bien sûr cléricales), chacune avec, notamment pour les deux premières, leur organisation leur fonctionnement, leur localisation et leur implantation familiale.

C’est ensuite un exposé détaillé et instructif d’un des moments les plus forts de la vie liturgique pratéenne qui nous est proposé, celui, jour après jour, de la Semaine Sainte, marquée de ses rites émouvants, de ses offices variés, ses adorations et oraisons, de ses processions, et de ses grand-messes solennelles. Avec pour point d’orgue, le décor, propre à cette même Semaine, typique et singulier, qu’est le « Monument », sa signification, ses formes, son usage, son histoire, son abandon.

Et pour compléter ce panorama de la vie locale en cette faste période, c’est au tour du cadre institutionnel de cette société, aussi active et affairée qu’empreinte de dévotion, de nous être raconté, avec -sous l’œil vigilant de l’Intendant royal- le Conseil et ses Consuls, la forte et influente organisation religieuse (clergé nombreux et confréries actives), enfin la pesante et sourcilleuse présence militaire.

Mais cette édition, dans le droit fil des objectifs de Velles Pedres i Arrels, s’adresse aussi à d’autres expressions de la vigueur et de la richesse de la vie patrimoniale de cette haute vallée, qu’il s’agisse, il y a 80 ans, d’une prouesse en matière de génie civil, de la myriade d’infatigables érudits qui n’ont eu de cesse -ou qui continuent- d’élargir la connaissance du passé commun, de ceux qui sur le terrain œuvrent concrètement à la redécouverte et à la préservation du terroir ancestral, ou qui, tout simplement, à longueur d’année, par divers actions ou témoignages, ont à cœur de sauver de l’oubli l’histoire de cette culture spécifique et ses traditions immémoriales.

Il est en d’abord ainsi de l’actuel pont sur le Tech, dit Gaston Gérard, destiné à remplacer le pont muletier médiéval -et qui, tout en désenclavant avantageusement la vallée, a resserré aux veilles de la deuxième guerre mondiale, grâce à cette nouvelle voie internationale, les liens séculaires avec le versant voisin de Pyrénées; réclamée à l’Etat par la municipalité, financée par des emprunts locaux, son ingénieuse construction nous est utilement détaillée au moyen d’une série éloquente de photographies d’époque.

Et c’est dans le registre tout proche du thème du voyage et des déplacements que sont décrits (dans « Camins i Senderols ») les efforts soutenus d’un groupe de marcheurs expérimentés, acharnés à reconstituer et à entretenir les voies locales et ancestrales de circulation, de contribuer à retracer les axes de passages multi-centenaires reliant entre eux les territoires voisins, y compris avec le versant sud de la frontière, à restaurer les vieilles cabanes de berger pour en faire des refuges modernes, et à ouvrir aux randonneurs de tous niveaux d’excellents itinéraires sécurisés.

Cette même ardeur, c’est à leur manière que d’autres acteurs l’ont manifestée pour préserver et valoriser le patrimoine. Il est ainsi de Marcel et Emile Leguiel, dont un hommage filial et particulièrement mérité est rendu ici, qui ont enrichi de leurs travaux la culture locale et régionale et qu’accompagne une bibliographie fournie et illustrée. C’est dans ce même esprit que sont présentés dans la rubrique « Activités patrimoniales » en fin de revue, deux ouvrages récents, l’un sur les eaux de La Preste, connues depuis l’époque romaine, l’autre sur la « mémoire des maisons de Prats de Mollo », et que vient de s’ouvrir un chantier prometteur sur les « échanges commerciaux pratéens » entre les deux guerres.

Et pour se rassurer sur les dangers annoncés d’un « défaut de mémoire » ou de tétanisation des esprits, pour ne pas douter de la capacité de la population à y résister, il suffit de se reporter, dans les dernières pages de la revue, au programme des « évènements et manifestations » de l’année écoulée, reflet de l’intensité et de la diversité de la vie patrimoniale de la cité, comme de l’attachement de ses habitants à leur histoire, de leur motivation et de leur implication.

Christian Roque