OCCUPATION ALLEMANDE AUTOUR DE PRATS DE MOLLO

Suite au débarquement Allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, les Allemands envahissent la Zone Sud en traversant la Ligne de Démarcation le 11 novembre, date hautement symbolique. Ils n’arrivent dans le département des Pyrénées-Orientales, selon les sources, que le lendemain ; ils entrent dans Perpinyà aux alentours de 8h du matin et arrivent au niveau du cole des Balistres à Cervera vers midi.

La partie pyrénéenne du département étant une zone sensible notamment par la présence de passeurs, de trafiquants, il était nécessaire aux Allemands de contrôler cette zone frontière. Ils mettent alors en place une zone réservée pyrénéenne à partir du 20 février 1943. L’accès à cette zone se fait à l’aide de laisser-passer, le contrôle y est strict.

La Retirada ayant montré les différents points de passage possibles depuis l’Espagne, les Allemands érigèrent une ligne de fortifications appelée Sperrlinie Pyranäenfront renforcée sur Cerbeva, Le Pertus, Maurellàs, Les Illes, Prats de Molló et la Cerdanya. Cette ligne de fortification est peu connue et donc peu étudiée. Les documents à son sujet sont peu nombreux et il est donc assez difficile de se faire une image globale de cette ligne fortifiée qui s’étendait d’Hendaye sur la côte basque jusqu’à Cerbère.

Cette ligne fortifiée est constituée de plusieurs points d’appuis comprenant des ouvrages bétonnés, surtout des bunkers supportant une tourelle de char, ou des aménagements (tranchées, trous d’hommes…). Les points d’appuis sont dénommés par les archives allemandes par Pyr suivi d’un nombre à trois chiffres. Concernant le secteur de Prats de Molló, la concordance entre la dénomination allemande et les vestiges sur le terrain n’a pu encore être établie.

On sait néanmoins que le point d’appui Pyr181 se trouve en Cerdanya au fort de Mont-Lluis et le point d’appui Pyr189 se trouve au Pic de les Salines sur la commune de Maurellàs-Les-Illes.

Sur la commune de Prats de Molló la Presta, se trouve un minimum de trois points d’appuis localisables soit grâce aux documents allemands soit par des structures subsistant sur le terrain

– Pic du Costabona, sur document allemand ;

– Coll d’Ares, sur document et sur le terrain ;

– Chapelle Santa Margarita, sur le terrain ;

Ces points d’appuis comportent donc une dénomination comprise entre Pyr182 et Pyr188

Coll d’Ares

Le coll d’Ares a été le théâtre du passage de 100 000 réfugiés républicains fuyant le franquisme entre le 27 janvier et le 13 février 1939, date à laquelle la frontière est fermée et gardée par des soldats nationalistes du général Franco. C’est donc une voie de communication importante entre la France et l’Espagne dont l’intérêt a bien été compris par les Allemands.

Ceux-ci y ont aménagé plusieurs tranchées dont il reste aujourd’hui des traces peu visibles. Parmi les zones prospectées situées au nord du col, il a été possible de déterminer deux réseaux de tranchées différents.

Un premier réseau de tranchées est situé à un peu moins d’une centaine de mètres du passage de la route au niveau du col. Il offre ainsi un bon point de vue sur la route côté français et n’est situé qu’à une quarantaine de mètres de celle-ci. Sont encore conservés plus de 25 mètres linéaires de tranchées. Les portions de tranchées linéaires ont des mesures standardisées de 3 m et 3,80 m entre les coudes. Celles-ci devaient accueillir quelques soldats armés d’armes légères de type mitrailleuse et fusil. Une des extrémités est constituée d’un trou d’homme de 3 m de long sur 1,60 m de large. On peut supposer qu’il s’agit d’un emplacement pour une arme plus importante, peut-être un mortier.

 Le second réseau, plus modeste, est situé à une trentaine de mètres de la route. Il se résume en une seule tranchée comprenant un minimum de quatre coudes pour une longueur totale de 16 mètres linéaires conservés. Comme précédemment, celle-ci devait accueillir des soldats avec un armement léger de type mitrailleuse et fusil. Néanmoins, il n’a pas été trouvé d’emplacement susceptible d’accueillir une pièce plus grosse comme un mortier.

En contrebas, situé à une dizaine de mètres de la route, se distingue, malgré un comblement important, un emplacement qui devait accueillir une arme de type mortier. Il a pour dimensions 3,50 m sur 3 m. Le creusement n’est pas accompagné d’éléments de consolidation particuliers.

De l’autre côté du col, vers le sud, est encore conservé un creusement dans la roche offrant un talus face à la route. D’une profondeur assez conséquente et desservi par ce qui semble être une tranchée, il devait accueillir un armement léger ou un mortier.

Le coll d’Ares est donc un point d’appui, dont la numérotation est pour l’instant inconnue, constitué de plusieurs réseaux de tranchées et d’aménagements légers dits de campagne pour protéger la troupe. Il est possible qu’il y ait des aménagements identiques du côté sud du col mais leur lisibilité sera plus difficile à cause de la présence d’une végétation plus importante.

Chapelle Sainta Margarita

En retrait du coll d’Ares, à un kilomètre à vol d’oiseau, se dresse la chapelle Santa Margarita construite autour du XIIème ou XIIIème siècle ainsi qu’un hôpital dont une première mention est faite en 1264. Ce lieu correspond à un second point d’appui utilisé par les Allemands comme en témoignent les aménagements effectués sur la chapelle et les tranchées creusées aux alentours.

La chapelle, dont les murs font quatre-vingt centimètres d’épaisseur, constitue un ouvrage de protection. Les Allemands y ont aménagé deux ouvertures, sur les faces nord-ouest et nord-est. Celles-ci ont été renforcée par du béton banché. L’ouverture nord-ouest mesure 1 m de large pour une hauteur de 1,08 m. La seconde ouverture (nord-est) mesure 0,79 m de large pour une hauteur de 1,16 m. Elle se différencie de la précédente par le renfort supérieur d’une poutre en métal prise dans la maçonnerie. Elle donne sur la route menant au coll d’Ares assurant ainsi le contrôle de celle-ci.

Au sud de la chapelle, on trouve plusieurs tranchées profondes situées au-dessus de la route.

Tout comme pour celles présentes au coll d’Ares, elles permettaient d’accueillir des troupes équipées d’un équipement léger allant du fusil à la mitrailleuse. Dans l’une d’elle se trouve le début d’un souterrain. La tranchée menant au souterrain fait plusieurs mètres de long et 1,5 m de large. La profondeur au niveau de l’entrée du souterrain est de 2,5 m environ. Le souterrain possède une entrée de 0 ,60 m de large, celle-ci mène sur un coude sur la droite distant de 3 m, ce coude à une largeur de 1,5 m.

Ces deux sites étaient méconnus de ceux qui s’intéressent à l’occupation allemande et plus particulièrement aux ouvrages et structures qui en découlent. Le secteur autour de Prats de Molló a peu été étudié sous cette vision-là. Ces deux points d’appuis ne sont pas isolés sur ce secteur, bien d’autres doivent s’y trouver sans qu’il soit possible à l’heure actuelle dans déterminer leur emplacement.

  Auteur :  Guillem CASTELLVI,  guillem.castellvi@live.fr

( article extrait du N° 2 de la Revue Costabona, éditée en 2013 par l’association de sauvegarde et de  valorisation du patrimoine de Prats de Mollo, Velles Pedres i Arrels« )