Revue Costabona n°9

Année de publication : 2020.

Nombre de pages : 96.

Prix de vente : 7€.

Points de vente à Prats de Mollo :
– Librairie Sant Jordi
– Librairie Europe Presse (maison de la presse)
– Librairie Can Gironella

Points de vente à Perpignan :
– Librairie Catalane
– Librairie Torcatis
– Librairie Cajelice (ex-Chapitre)

 

Sommaire

  • Éditorial, par Ch. Roque
  • Octobre 1940 : un Aiguat hors du commun, par G. Soutadé et S. Roca
  • L’Aiguat : un témoignage, par H. Lhorte
  • Aiguats de paper, par M. Valls
  • Le Tech, 80 ans après l’Aiguat, par J. Dunyach
  • La route royale entre Le Tech et Prats de Mollo, par M. Faitg
  • La route impériale d’Arles sur Tech à Prats de Mollo, par J. Colomer
  • La route d’Espagne, par A. Zysman
  • Les épiceries d’autrefois, par Ch. Nau et R. Alberny
  • La forêt à Prats de Mollo (XVIIème et XVIIIème siècles), par R. Sala
  • Roches et minéraux de la réserve naturelle, par P. Gaultier
  • La Vall de la Percigola (suite), par J. Peytavi

 

Couverture de la revue Costabona n°9
Couverture de Costabona n°9
Illustration : Le glissement du défilé de l’Avellanosa, 80 ans après l’Aiguat (photo Serge Roca, mai 2020).

 

Éditoral

Au mois de janvier dernier, aux tout débuts de la tempête Gloria qui a frappé la Catalogne, certains « anciens » de notre département ont pu se demander avec une certaine appréhension si un parallèle devait être fait avec l’Aiguat de 1940. Une réponse bien plus nuancée est apportée dans le présent numéro de la revue Costabona, qui, entre autres thèmes, commémore cette année le 80ème anniversaire de cette tragédie.

Et dans cette même publication se déroule, étape par étape, le récit, tout autant mémorable, mais cette fois-ci sur le temps long, des nombreux épisodes qui ont conduit au désenclavement total de la haute vallée du Tech par des voies réellement carrossables.

Mais l’évocation de ces deux repères historiques majeurs, de nature et de rythme différents, et qui ont laissé une forte empreinte dans la mentalité collective des Pratéens comme dans le paysage, ne saurait, pour notre revue patrimoniale, faire oublier, à l’arrière-plan, la permanence de l’environnement naturel, ou la continuité comme la diversité d’activités dont les résidents ont constamment fait preuve.

La catastrophe d’octobre 1940 a donné lieu à bien des témoignages, dont certains, inédits, sont reproduits ici, renforcés par l’analyse éclairée de Gérard Soutadé, professeur émérite des Universités, spécialiste de géographie physique. Ce fin connaisseur des espaces et des sommets pratéens, et notamment des hauteurs de la vallées de la Parcigoule, apporte une explication à l’origine et à l’importance exceptionnelle de ce déluge*, tout en relevant les erreurs, les fantasmes et les mythes qui en ont façonné le souvenir.

Sur le même thème, Émile Leguiel, en spectateur authentique des scènes vécues alors, note, comme « en direct », quartier par quartier, les dégâts et l’évolution du déferlement d’eau auquel il assiste; Joseph Dunyach, comme pour mieux mesurer la gravité des dommages, rappelle notamment l’importance des travaux de déblaiement qu’il a fallu engager et qui ont fait resurgir les traces millénaires du socle rocheux; enfin, Miquela Valls, universitaire et l’une des meilleures expertes en culture catalane, nous propose une inédite approche littéraire de ce « phénomène météorologique », associé au regard porté, avec émotion et même un certain lyrisme, par des écrivains reconnus de notre univers linguistique.

Succède à ce premier point de repère aussi brutal que dramatique dans le passé de la cité, la singulière « saga » de la tardive et pleine accessibilité de la haute vallée, reliant Arles sur Tech et au col frontalier d’Ares, dont les reports incessants ont mis légitimement à l’épreuve la patience et la ténacité de plusieurs générations d’une population, pourtant aussi industrieuse que méritante.

Car cette portion, au fort relief il est vrai, et dont la dernière partie surtout était tributaire de considérations d’ordre géopolitique et militaire, a mis, malgré la multiplication des doléances et la succession de projets, plusieurs siècles à réaliser, de bout en bout, la jonction avec l’Espagne.

C’est sous la plume de Matthieu Faitg (suite aux travaux de son père Robert) que commence la reconstitution des étapes de cette interminable opération avec la réalisation, en 1684, de la Route Royale, qui a succédé en l’améliorant (mais sans se détourner de la traversée du périlleux goulet de l’Avellanosa), à l’immémorial chemin muletier, tracé au ras des précipice, et reliant Arles sur Tech à Prats de Mollo. Et c’est au tour de Georges Colomer d’enchaîner en présentant le déroulement, pour ce même tronçon de « 4 lieux de longueur », devenu Route Impériale dès 1802, des phases successives, jalonnées de multiples revendications et d’avis d’ordre technique ou stratégique.

Enfin, c’est Alexandre Zysman-Restany qui achève l’historique des vicissitudes de cet axe termina, qui nous paraît de nos jours si familier, mais dont l’aboutissement ne s’est produit qu’en 1964, à l’ouverture du passage frontalier (dont la conjoncture sanitaire d’aujourd’hui nous rappelle l’existence) faisant suite à la construction du pont Gérard en 1938, aux nombreuses délibérations sur le choix du meilleur tracé, et aux inévitables et imposants travaux.

Il faut toutefois observer que, malgré leur caractère exceptionnel ou décisif, les évènements et les évolutions ci-dessus exposés, se sont déroulés dans un cadre durable et un environnement propice, ceux d’une vie sociale tout autant harmonieuse que laborieuse. A titre d’exemple, Christelle Nau et Renée Alberny proposent un vivant et piquant rappel du quotidien de Prats de Mollo au milieu du siècle dernier, et d’un métier de proximité, celui d’épicier. Ou, modèle tout aussi éloquent, celui de la longue, paisible, et productive coexistence de familles d’éleveurs ou de cultivateurs dans les mas de la vallée de la Parcigoule, déjà amorcé dans le précédent numéro, et dont l’universitaire Joan Peytavi, qui en est originaire, regrette le retour à l’état sauvage suite aux expropriations consécutives à l’Aiguat.

Cette dégradation de l’espace champêtre, Raymond Sala l’a également constatée au cours de ses recherches universitaires, dans la destruction progressive de la majeure partie du somptueux domaine forestier, encore visible au temps de l’ouverture de la Route Royale, suite aux défrichements commencés aux XVIIème et XVIIIème sicèles au profit des secteurs économiques plus rentables de l’époque, et à l’expansion des jachères, malgré les protestations et les recours de la Communauté de Prats de Mollo, dont les reliefs environnants s’étaient quasiment dénudés.

Mais, pourquoi ne pas se réjouir, comme semble nous y autoriser Pascal Gaultier, conservateur de la Réserve Naturelle, de la relativement faible incidence des deux évènements historiques rappelés ci-dessus, sur la préservation du patrimoine géologique d’exception du territoire, sur ses paysages d’altitude grandiose, marqués de l’empreinte des anciens glaciers, sur ses innombrables et éclatants minéraux, des plus représentatifs aux plus rares, sur leur prospection passée, autant de trésors à soigneusement protéger ?

Christian Roque
Président d’Honneur de Velles Pedres i Arrels

*Probablement du même ordre d’ampleur que celui du 16/10/1763, dont a traité, à la suite de Jean Ribes et à l’aide de nombreux documents, l’historien Alain Ayats, dans le n°6 de Costabona (2017).